Non pas que je ne porte aucun intérêt au meuble chinois, bien au contraire. Mais comme vous, j'ai longtemps été noyée dans le flot d'immondices dont on nous inonde depuis une bonne décennie en Europe, aux US... de ces meubles "pseudo" chinois de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qui parfois viennent de Roumanie, Indonésie ou Malaisie!
Une fois démêler le bon grain de l'ivraie, trouvé les belles pièces réellement authentiques et anciennes au milieu de l'océan de tout venant qui débarque par containers entiers chez nous, comment ne pas vous en faire profiter...
Introduction
La première chose à savoir sur le mobilier chinois, c'est que dans le domaine de l'ébénisterie, l'Empire du Milieu savait (au moins jusqu'en 1939) faire preuve d'un savoir (transmis de génération en génération) incroyable!
Ce savoir avec le temps s'est retrouvé relégué au passé, pas vraiment oublié (quelques artisans ici et là démontrent que les doigts d'or existent encore en Chine aujourd'hui), mais délaissé pour des techniques de travail standardisées et plus rentables.
La demande (nationale et internationale) jouant en la défaveur du bon travail, la consommation toujours grandissante des pays occidentaux à la fin du 20eme siècle en meuble dit "chinois" a éveillé des appétits financiers que l'art du ciseau à bois n'émerveille en rien.
La seconde chose à connaître est que la gourmandise des Qing en matière de belles pièces a provoqué certaines catastrophes écologiques. C'est ainsi qu'en moins de 60 ans, durant le règne de Qianlong, on est arrivé à décimer la réserve chinois en bois de Santal Pourpre ou Zitan mu (le bois le plus précieux pour le meuble chinois classique). Autant dire que des Santals Pourpres en Chine, depuis Qianlong, on n'en voit plus!
Mais pour la flore mondiale, vous serez certainement rassurés d'apprendre que le Zitan mu n'est pas originaire de Chine et se porte encore pas si mal dans mon pays d'origine, l'Inde.
Du bois pour en faire
Pour comprendre le meuble chinois traditionnel, il faut déjà comprendre la complexité des essences que l'on rencontre en Chine. Si en France on admire les meubles en chêne, en noyer, en orme, en poirier, en merisier... En Chine la conception du bois d'ébénisterie est bien différente.
Chose commune à l'Occident, tout de même, est la qualité du bois en fonction de sa dureté.
Chez nous le chêne est devenu le maître bois en ce domaine. En Chine, trois essences se battent au sommet :
-le bois de Santal Pourpre, dit Zitan mu (Pterocarpus Santalinus) obtient la première place.
On le trouve en Asie du Sud-Est et dans la Chine de l'extrême Sud (Guangdong, Guangxi, Yunnan). Jeune, son essence est rouge, mais en vieillissant il prend une teinte pourpre, marron foncé voir presque noir.
-le bois de fleur jaune de poirier, autrement traduit : bois de rose de Birmanie, vient en deuxième position.
Son nom chinois est le Huanghuali mu. Il est de la même famille de Zitan mu, bien que sa couleur diffère. Il possède une agréable teinte marron-rouge à jaune, aux veines fines et marquées.
Une variété propre à Hainan (nommée Xin Huali) exhale une suave odeur d'encens.
On recherche énormément le Huanghuali mu pour faire des panneaux dans les veines les plus belles dont les dessins évoques les démons du bestiaire chinois.
-le bois d'Acajou ou Palissandre des Indes, simplement nommé bois rouge en chinois (hong mu), a été énormément utilisé depuis le XIXe pour remplacer à moindre frais le Zitan mu devenu trop rare.
Comme les deux précédents, il pousse dans le Sud et présente des similitudes de par sa dureté mais semble plus léger.
On croise aussi quelques autres essences comme :
-le tieli mu, ou mesua ferrea, dit "bois de fer". Il s'agit d'un des bois les plus denses au monde, couleur chocolat noir, marron foncé, larges veines rouge sombre. Il ne flotte pas et au contact de l'eau semble comme saigner.
Un antiquaire m'a mise en garde qu'il existe deux qualités de "tieli mu", celui de Chine au grain fin et soyeux, et celui du Vietnam aux veines plus larges.
-le jichi mu, ou bois d'aile de poulet dont les veines évoquent les plumes des oiseaux. Un bois magnifique.
-le huai mu, bois du sophora, qui donne une teinte jaune très utilisé pour le textile.
-baishu mu ou luoshan bai mu, le bois de thuya, jaune clair au parfum agréable.
Enfin le bois le plus courant dans le mobilier vernaculaire est l'orme de Chine, d'une délicate couleur jaune dorée, il est encore de nos jours la source de 95% des meubles chinois.
Mais il faut y faire la distinction entre de l'orme du nord et l'orme du sud.
L'orme du nord (Yumu) est un bois équivalent à notre orme européen et, par chance, il n'a pas encore touché par la maladie comme en Europe et en Amérique. Il donne un bois clair et léger, d'assez bonne qualité mais en rien exceptionnel ou rare.
L'orme du Sud (Nanyu), aussi connu sous le nom de Zelkova (orme du Japon), est moins courant, plus dur et possède une couleur différente. Il n'est en fait qu'un lointain cousin de l'orme du Nord et de par son ton brun-rouge moyen il a depuis des siècles charmés les lettrés chinois, japonais et coréens. On trouve quelques belles pièces comme des tables, des chaises, fauteuils, autels ou autres coffres dans ce bois plus rare.
Malheureusement certains antiquaires vendent de telles pièces au prix du Hong mu... Attention, même s'il lui ressemble, il ne le vaut pas!
Selon les régions, le bois le plus utilisé pour le meuble populaire peut varier. Du pin à l'orme, en passant par le noyer, le catalpa, le peuplier ou le bouleau (surtout au Nord, en Mandchourie où est peint).
Enfin, ôtez vous l'idée de la tête que le Teck (Youmu en chinois) est un bois chinois. Le Teck vient de Thailand, de Birmanie ou d'Indonésie mais pas de Chine. Accessoirement on peut en trouver tout au Sud (région du Yunnan), mais il n'entre en rien dans les bois que les chinois connaissent depuis des siècles et utilisent traditionnellement pour les meubles. Une table en teck est donc vraisemblablement thaï, indonésienne, birmaine... mais certainement pas chinoise!
L'ébène (Wumu, littéralement le bois noir) fut connu des ébénistes chinois, mais utilisé uniquement comme élément décoratif sur certains meubles. Certains brocanteurs confondent ébène et vieux bois laqué... l'ébène est très lourd, il suffit de soulever le meuble pour en avoir le coeur net!
Bois laqué
Tous les meubles chinois, qu'on se le dise, sont laqués! C'est simple à retenir.
Après l'art du laque étant très varié et compliqué, je parlerai donc de laque mineur et laque majeur pour différencier les deux possibilités principales.
Le laque "majeur" consiste à prendre un meuble en bois choisit pour sa qualité de résistance à l'humidité et à la chaleur (dilatation nulle ou quasi inexistante) et non pour sa beauté. Le laque préparé est donc noir ,rouge ou brun et totalement couvrant. On y appose autant de couches que nécessaire à l'obtention d'une surface totalement plane et aussi brillante que celle d'un miroir.
Le meuble obtenu est appelé chez nous "laqué" et la matière en surface masque totalement le bois en dessous.
Le laque "mineur" consiste à déposer quelques couches de laque, teinté ou incolore, sur la surface d'un bois de qualité rare ou supérieur. Le résultat obtenu est semblable chez nous à la cire ou au vernis, le Laque protège le bois du climat asiatique extrême et des utilisations de son futur propriétaire, mais ne masque en rien les veines du bois (voir les rehausses).
Il faut souvent faire d'autant plus attention au laque déposé sur le meuble, que s'il est teinté il peut faire passer un bois supérieur pour exceptionnel.
Il fut d'ailleurs à la mode, sous les Ming, de teinter le Huanghuali mu pour qu'il ressemble à son frère le Zitan mu... Jusqu'au jour où le Huanghuali mu fut apprécié pour ses propres qualités et qu'il n'y eu plus besoin de le maquiller pour le rendre appréciable!
Bois peint
Quelques meubles de régions non-Han (pas de l'ethnie dominante en Chine) sont souvent réalisés en bois de basse qualité (peuplier, bouleau) et peints totalement.
On ne peut parler vraiment de Laque, puis que l'art du Laque se doit d'être préparer dans un climat chaud et humide constant qui n'existe pas les régions d'où viennent ces meubles.
C'est le cas des mobiliers venus du Tibet, de Mongolie Intérieure ou de Mandchourie pour la plus part.
Les décors font appel aux folklores de ces peuples et à leurs croyances. Les couleurs vivent sont souvent utilisées pour chasser les mauvais esprits, attirer le bonheur, épargner la famille de la maladie, et le fait que les meubles sont rares sous leurs toits.
Voici, certainement non sans oublie, une introduction au vaste domaine que peut-être le mobilier chinois.
Une prochaine fois il sera question du meuble en lui même, de ses formes possibles, ainsi que des styles et diverses époques que l'on peut rencontrer.
Bonnes puces et Have Fun!