
Le thé étant un des sept trésors des lettrés, il va de soi qu'il reste encore très populaire en Chine, même si aujourd'hui certains lui préfèrent le café lyophilisé, les soda américains ou le lait de soja en boîte...
Pour les chinois qui honorent encore cette culture, il existe au moins 10 grands thés en Chine et on les appelle les "
Shi da ming cha"
十大名茶. Pour les acheter, les spécialistes vont jusqu'à prévoir leurs vacances en fonction des plantations... Et passer à
Suzhou,
Hangzhou ou encore aux
Huang Shan (les Montagnes Jaunes) sans penser à rapporter l'un des thés les plus célèbres pourrait fâcher la famille!
Pour faire simple, je vous rappelle que le théier, ou camelia sinensis, a besoin de soleil et de chaleur, ainsi n'en attendez pas à Pékin en dehors des nombreuses maisons de thé...
Il faut donc passer au Sud, le fleuve "bleu", ou
Chang Jiang pour les intimes, marquant une frontière naturelle entre les régions aux hivers frais et celles aux hivers plus vigoureux. Ainsi, on compte sur la carte de Chine 12 provinces et une région autonome productrices de thé...
Etonnament, si le gouvernement de Pékin compte Taiwan dans le lot des régions productrices de thé en Chine, je n'ai trouvé aucune trace d'un grand thé célèbre, réputé au près des chinois du continent, qui viendrait de l'île... Non pas que Taiwan n'est pas de bons thés... loin de là! ^__-
Alors commençons par le nord notre petit tour de la Chine du sud des thés :

Au
Jiangsu, il est une ville magnifique qu'il ne faut jamais omettre de visiter si l'on passe à Shanghai, toute proche. Il s'agit de
Suzhou. Qui n'a pas entendu parlé, à défaut de l'avoir visitée, de cette petite ville de province dont le nom est souvent associé à celui de Venise?
Mais voila,
Suzhou n'est pas célèbre que pour ses jardins d'agrément, aussi pour son thé.
Le thé
Biluochun est un thé vert primeur composé essentiellement de bourgeons. Il n'est pas classé blanc car les bourgeons sont légèrement torréfiés et cette pratique leur donne la forme d'un petit gastéropode, "
luo" en chinois, d'où le thé tire son nom.
Ce petit vers de thé est donc cultivé sur la colline de
Donging, sur les hauteurs du lac
Taihu, à l'abri de grands arbres fruitiers, les camélias sont à peine haut d'un mètre, taillés en boule par les cueillettes. Il faut 600 000 à 700 000 jeunes bourgeons pour produire une livre de thé Biluochun de première classe. On lui prête la vertu d'être très rafraichissant et le défaut de détourner les honnêtes travailleurs de la région de leurs travaux en préférant rester à l'ombre d'un arbre ou d'une maison de thé, lors des plus chaudes journées de l'été, pour y siroter le thé de
Suzhou.

Comme ce n'est pas un thé comme les autres, il ne se prépare pas comme les autres non plus. Ainsi on place quelques grammes de thé dans une théière en porcelaine (jamais de
théière en terre de Yixing pour un thé vert) ébouillantée, puis on ajoute un peu d'eau, pas trop chaude pour ne pas brûler le thé (la bonne température étant à moins de 80°C), et on laisse les feuilles se développer. Lorsqu'elles se sont déroulées, on peut verser le reste de l'eau. Attendre à nouveau entre 2 à 3 minutes pour l'infusion, puis savourer dans une belle tasse son arôme unique.
Si vous en avez la possibilité, préférez une infusion en
Zhong, pour les thés verts et les thés blancs, à la classique théière. Le
zhong étant la tasse à infuser chinoise, avec sa sous-coupe, son couvercle et un bol assez profond pour garder les feuilles au fond.
La toute proche province de l'
Anhui est, quant à elle, très célèbre pour deux de ses thés... Tout d'abord celui des
Huang Shan, les Montagnes Jaunes.

Le thé
Huang Shan Mao Feng est cultivé aux environs du temple de
Yungu, du couvent de Songgu, de Tiaoqiaoyan, de Ciguangge et de Bansi, entre 1200 et 1500 mètres d'altitude, dans une brume constante dont les montagnes ne se déshabillent jamais. Comme tous les grands thés de Chine, sa cueillette est entièrement faite à la main, et ici le relief ne permet pas la mécanisation. Il s'agit d'un thé vert à feuille roulé, comprenant les deux premières feuilles et le bourgeon de l'année. Il entre donc dans la catégorie des thés de printemps, souvent récolté entre avril et mai. 
Il n'est pas le seul, d'ailleurs, a être produit ici, on trouve aussi son petit frère, moins célèbre et donc légèrement moins onéreux : le
Huang Shan Mao Jian.
Le terme de
Huang Shan renvoie donc au nom des montagnes, mais le mot "
mao" désigne le poil et "
mao feng" renvoie aux cheveux... Il est vrai que ses feuilles larges peuvent évoquer des cheveux en mèches , les chinois ne vont pas plus loin pour nommer un thé! ^__-
Préparé en
zhong avec une eau à 80°C, les connaisseurs lui reconnaissent un léger parfum de jasmin et de chrysanthèm dans une liqueur claire, laissant en bouche un goût frais et désaltérant.

L'autre grand thé de l'
Anhui est le
Liu'an guapian, il est cultivé dans l'ouest de la région, sur les hauteurs des monts
Dabie,
dans les districts de Liu'an (que certains appellent Lu'an... à tord, il s'agit du caractère "liu", le chiffre 6 en chinois), de Jinzhai et de Huoshan. Son nom de "guapian" vient de la forme de sa feuille, comme toujours, qui évoque une graine de pastèque... "gua" étant la pastèque ou le melon en chinois.
Comme pour tous les autres thés, les chinois lui prêtent certaines vertus, entre autre de favoriser la digestion, de stimuler l'appétit, et calmer la soif... Mais encore, Wen Long, auteur de la dynastie des Ming, a affirmé que "
le thé de Liu'an a un très bon effet thérapeutique" dans son ouvrage le "
Cha Jian" (les notes sur le thé).
Tout comme les deux précédemment cités, il s'agit d'un thé vert de printemps.
Pour notre quatrième thé, nous quittons l'
Anhui pour le
Zhejiang, province plus au sud le long de l'océan Pacifique.

Le
Zhejiang est célèbre pour sa capitale
Hangzhou, mais
Hangzhou n'est pas uniquement célèbre pour ses canaux, ses peintres et le fait qu'elle soit une ancienne capitale chinoise. Non, elle possède aussi l'un des thés les plus bus en Chine... Le
Long Jing. "
Long jing "

signifie littéralement "
puits du dragon". Il s'agit d'un thé vert aux longues feuilles pliées, dont le goût astringent l'a porté au delà des frontières de l'Empire du Milieu depuis longtemps et que l'on trouve facilement chez nous en Europe.
Mais de sa célébrité mondiale, on en obtient aujourd'hui bien plus qu'une simple variété... On trouve ainsi du
Long Jing de printemps, récolté en avril, du
Long Jing d'été, récolté en juin, du
Long Jing simple dont larécolte est moins soignée... Il est même, avec le
Pu'er, le thé de Chine le plus contrefait... Et oui, chaque médaille à son revers et le prix élevé du
Long Jing a favorisé les contrefaçons venues du
Sichuan, autre région productrice de thé au centre de la Chine. Moralité, il faut toujours se méfier d'un thé vendu à trop bon marché.

Au sud du
Zhejiang et face à
Taiwan, nous trouvons le
Fujian et entrons en plein territoire du Wulong, le thé du dragon noir.
On y trouve pourtant quelques thés verts de renom et un célèbrissime thé blanc, le
Baihao Yin Zhen,
produit à Jianyang, Yongji et Songzheng, dans le nord du Fujian, et à Fuding, dans l'est de la même province, à partir de théiers types Shui Hsien et Dai Bai ("grand blanc")
. Comme tous les thés blancs, il n'a subi aucune fermentation.
Je peux vous assurer, sans mensonge, que ce thé est divin, et qu'autrefois il était même réservé à l'empereur. Il aurait servit de tribut impérial, selon certains, depuis la dynastie
Tang ou
Song... Ce qui est sûr c'est qu'il fut bel et bien un tribut sous la dynastie
Qing.
Une légende locale raconte qu'il y a quatre mille ans, les deux veuves de l'empereur Shun, traversant un lac en barque pour ramener le corps de leur défunt époux, auraient été entraînées par une lame et seraient tombées à l'eau. Afin de les ramener à la surface et de les sauver de la noyade, des coquillages se seraient regroupés, formant une colline, nommée depuis "le mont de l'Empereur", haute de près de 80 mètres. Quelques années plus tard, un théier naquit sur cette colline, dont les bourgeons ressemblaient à des aiguilles d'argent. Les veuves de l'empereur décidèrent alors de faire cultiver cette colline. Le premier jardin de
Yin Zhen était né.
Si l'origine est une légende peut réaliste, le thé est bien réel lui... Je vous le conseille vivement. On le trouve parfois à prix d'or en France, chez les bons comptoirs de thés.
Et les cinq suivants feront l'objet d'un nouvel article...
A suivre!!!